• Aardman, la main à la pâte (à modeler) partie 2 (par Tony)

    En 1996, Aardman est approché par Dreamworks Animations, le nouveau studio de Jeffrey Katzenberg. Un deal de 4 films est signé. Nick Park et Peter Lord pitchent leur premier projet de long-métrage: La Grande Evasion avec des poulets. Jusqu'en 2000, les deux cinéastes travaillent à Bristol ce qui deviendra Chicken Run.

    En 1950, en Angleterre, dans le Yorkshire, la vie paisible du poulailler de la ferme Tweedy semble plaire à ses locataires. La nourriture est abondante et l'endroit est chaleureux. Mais la poule Ginger est loin de partager l'avis de ses consœurs : elle rêve de grands espaces et de liberté. Chaque jour, elle essaie sans succès de s'évader de la basse-cour. La courageuse Ginger s'arme de patience pour faire comprendre à ses copines volatiles que le grillage n'est pas autour de la ferme mais bien dans leur tête.
    Ses espoirs reprennent vie lorsqu'un "coq-boy libre et solitaire", Rocky, atterrit dans la basse-cour. Ginger voit alors en lui le sauveur de toutes les poules. S'il pouvait leur enseigner à voler, elles seraient capables de s'enfuir. Car elles n'ont pas le choix : M. Tweedy, le propriétaire de la ferme, a décidé de les passer à la casserole un jour ou l'autre.
    Voilà le synopsis officiel de Chicken Run. Ne tournons pas autour du pot et disons-le tout net: Chicken Run est un chef d'œuvre, sans doute l'un des meilleurs films d'animation jamais faits, le meilleur Aardman. Mais pourquoi cette avalanche de superlatifs ? Grâce à un récit mené tambour battant, à des seconds rôles merveilleusement écrits, à un humour ravageur et surtout à l'inventivité de Nick Park et Peter Lord qui réussissent à créer des séquences dinguissimes (Ginger et Rocky dans la machine aux tourtes, l'entraînement pour le vol, la machine volante) le tout en stop-motion. Plus encore que l'hommage à La Grande Evasion, on peut voir dans ce film une métaphore de la Shoah à travers le poulailler ressemblant à un camp de concentration, les bottes de Mrs Tweedy et la machine qui est ni plus ni moins qu'un gigantesque four crématoire pour poules. Le film fut un tel succès que beaucoup s'interrogèrent de son absence injustifiable aux Oscars. Fut donc créée la catégorie meilleur film d'animation. Et tout ça grâce à Chicken Run. Vous pouvez le voir encore et encore, le plaisir restera intact. Privilégiez la VF, cela dit.

     

    Le nouveau siècle démarre donc sur les chapeaux de roues. Dreamworks commande un nouveau film. Ni une ni deux, Nick Park se décide : son prochain film sera un long-métrage tiré de Wallace et Gromit. Il s'adjoint les services de Steve Box et commence la même année que la sortie de Chicken Run. Il faudra cinq ans de sueur pour que le monde découvre Wallace et Gromit : Le Mystère du lapin-garou.

    Cette fois, Nick Park et Steve Box décide de livrer un conte fantastique aux antipodes des courts-métrages. Une "fièvre végétarienne" intense règne dans la petite ville de Wallace et Gromit, et l'ingénieux duo a mis à profit cet engouement en inventant un produit anti-nuisibles humain et écolo, qui épargne la vie des lapins. L'astuce consiste simplement à capturer, à la main, un maximum de ces rongeurs et à les mettre en cage.
    A quelques jours du Grand Concours Annuel de Légumes, les affaires de Wallace et Gromit n'ont jamais été aussi florissantes et tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes, si un lapin-garou géant ne venait soudain s'attaquer aux sacro-saints potagers de la ville. Pour faire face à ce péril inédit, l'organisatrice du concours, Lady Tottington, se tourne vers nos deux "spécialistes" et leur demande d'appréhender le monstre.
    En 2005, Wallace et Gromit sont des personnages populaires et reconnus partout dans le monde, c'est pourquoi le film bénéficie d'une attente considérable. En l'état, on peut considérer ce film comme une nouvelle réussite artistique où encore et toujours, le talent et l'inventivité de Nick Park et des studios Aardman font mouche. Les références sont multiples (King Kong, Le Loup-garou de Londres, Frankenstein) mais jamais écrasantes. Tour à tour poétique, délirant et burlesque, il fut un carton critique et public, permettant à Park et Box de remporter l'Oscar du meilleur film d'animation (le quatrième pour Park).

     

    Mais un triste évènement se déroula le 10 octobre, juste après la sortie américaine. Un grand incendie ravagea un hangar du studio et réduit en cendres tout le passé du studio. Peu de décors et personnages furent sauvés. Le coup fut extrêmement dur et il fallut du temps avant que le studio ne relève la tête.

    Un an après Le lapin-garou, Aardman sort Souris City, film au développement fastidieux (six ans de production) qui reçut le coup de pouce de Dreamworks. Réalisé par Sam Fell et David Bowers, l'univers visuel foisonnant du film (un rat découvrant un Londres miniature dans les égouts) posa, dès le scénario, problème. Il était impossible pour les animateurs de le représenter en dur. Fut donc envisagé l'idée de transformer le métrage stop-motion en film d'animation 3D. Les réalisateurs acceptèrent et partirent à Hollywood pour faire le film chez Dreamworks. Quand on voit le produit fini, on peut se demander si c'était vraiment une bonne idée. Rien ne marche. Animer en 3D des personnages ressemblant à de la pâte à modeler est idiot, l'humour Dreamworks n'est absolument pas soluble avec celui d'Aardman, le budget est trop maousse (149 millions de $) pour le studio briton et toutes les scènes d'action semblent être imposées par Dreamworks. Pas passionnant, pas drôle, étant à des années-lumière de Chicken Run ou de Wallace et Gromit, le film reçut un accueil beaucoup plus négatif par la presse et ne marcha pas au box-office. Un an plus tard, Dreamworks et Aardman se séparaient.

    En 2006, Peter Lord et David Sproxton sont fait "Commander of the British Empire" et apprennent qu'Hayao Miyazaki est fan du boulot d'Aardman depuis longtemps. Si c'est pas glorieux !

     

    En 2011, cinq ans après Souris City, Aardman signe un deal avec le studio Sony. Premier film commun: Mission : Noël - Les Aventures de la famille Noël. Réalisé par Sarah Smith et Barry Cook, ce sera un nouveau bide pour le studio. Animer en 3D, il est difficile une fois de plus de reconnaître leur ADN. Le film souffre des mêmes défauts que Souris City, inutile de les répéter.

     

    En 2012, Aardman revient aux fondamentaux de leur cinéma avec Les Pirates! Bons à rien, mauvais en tout. Signant le retour de Peter Lord derrière la caméra 12 ans après Chicken Run, Les Pirates! est l'adaptation d'un roman totalement loufoque (comme si les Monty Python rencontraient Pirates des Caraïbes). Malgré son enthousiasme, le Capitaine Pirate a beaucoup de mal à se faire passer pour une terreur des mers. Secondé par un équipage aussi peu doué que lui, le Capitaine rêve pourtant de battre ses rivaux, Black Bellamy et Liz Lafaucheuse, en remportant le prestigieux Prix du Pirate de l'Année.
    Pour le Capitaine et son drôle d'équipage, c'est le début d'une incroyable odyssée qui, des rivages de Blood Island jusqu'aux rues embrumées de Londres, va les conduire d'épreuves en rencontres. S'ils vont faire équipe avec un jeune scientifique du nom de Charles Darwin, ils vont aussi devoir affronter mille dangers et tenter de survivre à la reine Victoria, qui voue une haine absolue aux pirates. Récit totalement fou doté de deux séquences d'action bigger than life, humour délirant, inventivité surprenante. Certes, on est un cran en-dessous de Chicken Run mais ce n'est pas une raison pour bouder ce plaisir coupable qu'est Pirates!

     

     

    Que nous réservera Aardman avec l'adaptation de la série Shaun le Mouton ? On ne sait pas encore mais il y a fort à parier qu'on aura tout sauf de la daube (mauvais jeu de mots). Aardman est et reste l'un des plus grands studios d'animation.

     

    Et puis franchement, voir des animateurs travailler une journée entière pour une seconde de film, ça inspire le respect, non ?

     

    Tony


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