Retour sur le film de Clint Eastwood. Comme ses films et lui-même vont à l'essentiel, sans fioritures, cette critique fera de même.

Depuis quelques films, on sentait que Clint Eastwood avait perdu son classicisme et sa puissance qui faisaient sa force. Son dernier film en date, Jersey Boys, était une œuvre mineure et sans souffle en la comparant avec les autres films du bonhomme (Impitoyable, Million Dollar Baby, Lettres d'Iwo Jima....). American Sniper marque donc un retour en force, où Clint Eastwood retrouve sa maestria, son classicisme, sa force, sa pureté aussi... Mais nous ne pouvons cantonner ce film à un simple come-back réussi. Ce serait réducteur. American Sniper est un chef d'œuvre désenchanté, sombre, dominé par la performance animale et instinctive de Bradley Cooper (il trouve enfin ce qui lui faisait défaut depuis le début de sa carrière : une présence physique); c'est un film brutal, violent, nerveux, regardant les horreurs de la guerre en face, et prouvant que Clint Eastwood n'a rien perdu de sa force malgré ses 84 printemps (cf la tempête de sable, sommet de mise en scène); c'est aussi et surtout un film ambigu, ne portant aucun jugement psychologique et moral sur le sniper Chris Kyle et laissant libre cours à l'interprétation du spectateur (Chris Kyle est-il une légende, comme ses amis l'appellent dans le film, ou un boucher ?). American Sniper est le signe que les grands cinéastes ne meurent jamais.